Comment la culpabilité d’être une mauvaise mère peut pourrir le leadership entrepreneurial?

  • 10 Octobre 2023
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Être cheffe d'entreprise est un chemin de résilience. Ce rôle a le pouvoir de faire ressortir de vieux dossiers qu’on croyait classé. Unes de mes particularités en tant que dirigeante, c'est ma posture de maman. Je sauve, je contiens, je sur investis le lien d'amitié, parfois au détriment de mon rôle de leader.

Ce surinvestissement maternel cache une blessure profonde.

Une honte, une culpabilité écrasante que je pensais avoir réglé depuis des années.

Reste avec moi, je te livre ici l'histoire de cette honte qui a longtemps conditionné ma façon de gérer mon équipe. Lorsqu'un chef d’entreprise œuvre en conscience, son entreprise est une loupe révélatrice de ce dont il a besoin d' alchimiser pour passer au niveau supérieur.

Derrière Karine Maurer, celle que vous voyez derrière sa caméra, il y a une histoire.

L'histoire d’une femme mais aussi celle d'une mère.

Pour comprendre mon lien avec la maternité il me faut d’abord te raconter mes 15 ans.

A cette époque, je suis interne chez les bonnes sœurs. J'ai accroché au mur de ma petite chambre des dizaines de cartes postales qui représentent des bébés. Le soir avant de m'endormir je les regarde, ils me regardent. Je me sens bien avec eux. Leur innocence m'apaise. Je rêve d’être maman.

Moi aussi je veux avoir des enfants. L'idée de porter la vie dans mon ventre me fascine.

Quelques années plus tard, plus rien n’a de sens. Je suis mannequin à Paris, je cours de casting en casting et je songe sérieusement à arrêter mes études. C’est alors que je tombe enceinte à l'âge de 23 ans. Adieu les castings et bonjour la maternité. J’ai enfin trouvé une raison de vivre. Je me souviens encore aujourd’hui du profond sentiment de responsabilité que j’ai ressenti à la maternité devant ce petit être fragile.Très rapidement, alors qu’il n’a que 6 mois, je tombe à nouveau enceinte. L'idée qu'il soit seul m'est insupportable.C’est une petite fille. Je vis au 11ème étage d'un immeuble en banlieue parisienne. Je me sens seule,ma famille est loin, mon mari travaille beaucoup et je n’ai pas d’amis sur Paris. Je me renferme complètement dans mon rôle de mère. Je n’ai pour compagnie que mon fils de deux ans, mon bébé de neuf mois et la télévision

P**ain, je les ai voulu ces enfants et pourtant je ne suis pas heureuse. Je suis comme un lien en cage. Pourtant on m'avait dit qu’être maman c’était le plus beau métier du monde, moi je trouve ça ingrat et épuisant. Personne ne reconnaît ma valeur, la carrière que j’ai sacrifié pour élever mes enfants et être une bonne mère, le temps et l’énergie que je leur accorde pour qu’ils se sentent bien. Je me sens abandonnée, personne à qui parler. J'ai l'impression d'être en prison, enfermée dans ce rôle de mère que j’ai rêvé depuis des années et qui pourtant aujourd’hui m'étouffe à en perdre le souffle. Je passe ma vie à faire le ménage, la cuisine et les lessives. Je ne me rends pas compte que je flirte avec la dépression.

Je deviens violente envers mes enfants, je leur donne la fessée quand je suis à bout. Je leur tire les cheveux. Je crie, je hurle. Je décharge sur eux toute ma frustration, tant ils symbolisent mon propre piège.

Je sens que quelque chose ne va pas chez moi, je dois avoir un problème. Moi qui aie été une enfant maltraitée par mon propre père, je ne supporte pas la mère que je suis devenue. Quand la colère me submerge, je regrette d'être mère, je regrette d’avoir eu des enfants et d’être incapable de les élever dans la douceur. Je suis prise au piège avec mes démons dans un rôle qui me dépasse.

Dans le miroir ce n’est plus mon visage que je vois mais celui de mon propre père. Moi qui m’étais dit que jamais je ne serais comme lui, me voilà devenue le même bourreau…J'ai tellement honte des excès de colère qui me submergent que je m’enferme dans ma cachette préférée : le déni.

Des années plus tard, en faisant un travail sur les mémoires de violence vécues durant mon enfance, je vais libérer peu à peu mon corps des mémoires des coups de pied et des fessées à cul nu. Peu à peu, je réintègre mon bassin. Je découvre une sécurité intérieure jamais vécue jusque là. Après des années de sidération, ma conscience réintègre tout doucement mon corps, mon bassin. Je peux enfin m’asseoir en moi.. J’ai plus d’énergie, plus de joie, de patience et la violence cesse.

Aujourd'hui je veux me retourner dans ce passé et prendre dans mes bras cette jeune mère abandonnée à son triste sort. Je veux lui offrir un amour infini. Je veux qu’elle sache que tout ça, ce n’est pas sa faute. Je veux lui dire qu’elle ne sera pas comme ça toute sa vie.Je veux qu’elle voit la mére et la femme épanouie que je suis aujourd’hui. Je veux lui dire que j’ai confiance en elle, qu’elle va apprendre à s'occuper d'elle et à nourrir ses besoins vitaux de petite fille maltraitée. Elle va apprendre à être une maman aimante et patiente. Elle apprendra à se pardonner.

En écrivant cet épisode douloureux et honteux de ma vie, je ressens un allégement profond. J’offre à cette part de moi toute la compassion, tout l'amour dont elle a besoin.. Il n’existe pas de mère parfaite, il n'y a que des mères qui font ce qu’elles peuvent avec ce qu’on leur a donné.

Revenons à nos moutons. Est ce que tu vois le lien avec la cheffe d’entreprise?

Lorsqu'une honte aussi puissante sommeille en soi, l’ego dépense beaucoup d’énergie à la maintenir enfoui et surtout à vouloir tout réparer. Cet égo a tellement honte, que non seulement il veut solder cette dette qui lui est insupportable, mais surtout, il refuse de ressentir le poids de la culpabilité.

En tant que cheffe d’entreprise, j'ai voulu réparer la mère violente que j’ai pu être à une époque, en surinvestissant le rôle de "maman gâteau". J’ai confondu l'amitié et le partenariat professionnel, j’ai manqué de structure et de cadre, j’ai accepté des situations inacceptables, j’ai payé le prix fort.

Lorsque j’ai accepté d’aimer cette honte et cette culpabilité encore présentes au fond de moi, une grande restructuration a vu le jour au sein de mon entreprise. Je me suis séparée d’une collaboratrice. La cohésion et le partage productif se sont améliorés au sein de l’équipe. Tout le monde a enfin trouvé sa place. Je sais que cette nouvelle harmonie se nourrit de l’expansion de ce nouvel état de paix intérieure. En tant que Leader, nous devons incarner le changement que nous voulons voir se manifester dans notre entreprise. Ce changement passe indéniablement par la forge amoureuse qui dissout nos résistances et nos refus les plus enfouis.